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Me vole pas mon deuil

biagiotti blog

En général, les adultes pensent qu’ils savent mieux que les enfants. Pourquoi en serait-il autrement du deuil ?

Dans une de mes classes, il y a un petit garçon qui a perdu son papa il y a quelques mois. Dylan est un enfant dont le comportement m’a toujours intriguée. A 8 ans, il fait preuve d’une très grande maturité, il ne fait aucun bruit même quand il se déplace. Le casier de son bureau est rangé à la perfection. Rien ne dépasse. Son travail scolaire est plus que parfait. Dernièrement, avec les enfants, nous avons parlé des émotions. Dylan était dans le groupe « tristesse ». Je ne savais pas encore pour son papa. Lors de ce temps de parole en petit groupe son comportement était à la fois très détaché et à la fois très impliqué. Lui qui ne parle jamais, qui dit qu’il ne pleure jamais quand il est triste, il dit malgré tout qu’il est souvent triste. J’apprends ensuite par la maitresse que Dylan a perdu son papa il y a quelques mois. Je comprends qu’il s’agit d’un accident de moto. Tout s’éclaire dans mon esprit, je fait le rapprochement avec tout ce que j’avais déjà remarqué. Depuis, je l’observe, attentive, emphatique, il est en train de gérer. De di-gérer. Il m’impressionne et me renvoie à ma propre expérience.

Moi aussi, comme Dylan, j’ai perdu mon papa lorsque j’étais enfant, plus précisément adolescente. Il n’y a pas eu d’annonce puisque j’ai trouvé son corps sans vie. Ouf j’ai échappé à une annonce forcément mal faite par des adultes qui auraient voulu me protéger. Le choc de la découverte me direz-vous ? Il n’y en a pas eu. Pas vraiment. Bien sûr les images restent. Comme les questions sans réponses. Mais qui est-ce qui porte l’événement à part soi ? Ce qui m’a le plus choquée a été le comportement des adultes ensuite. Je n’ai jamais senti que mon père était parti. Je l’ai toujours senti plus présent que jamais. Il a choisi de ne plus vivre, mais il a continué à m’élever, d’une autre manière. Cela, personne ne le sait, car personne ne peut le comprendre. La cérémonie s’est faite dans une atmosphère bien étrange, mêlée de rancoeurs étouffées, de douleurs indescriptibles légitimes, une famille perdait un des siens dans des circonstances atroces. Oui c’était un drame. Mais plus tard, adulte, j’ai su que ce que j’avais ressenti c’était la projection du drame vécu par les adultes sur moi, une enfant dont le vécu intérieur lui appartenait. Le chemin est intérieur et solitaire, et c’est bien comme ça si on le respecte. Mais la suite a été catastrophique. Aucun espace pour parler. J’ai tu. Je n’avais pas de douleur à exprimer, juste un besoin naturel et vital de parler de lui. Pour qu’il vive comme il vivait en moi.

J’ai aujourd’hui dans ma famille des petits neveux et nièces qui vivent la fin de vie de leur maman, à domicile. Ils ont 13, 11 et 9 ans. D’abord, l’annonce de sa maladie leur a été cachée. Pour les protéger. Et puis son état de santé s’aggravant, ils ont eu connaissance que leur maman était gravement malade. Je ne sais pas si aujourd’hui des mots ont été posés sur ce qu’il va arriver. Je ne sais pas s’ils vont pouvoir dire au revoir à leur maman. Je sais que leur réaction est propre et différente selon chacun. Se font-ils gronder parce qu’ils crient ou qu’ils mordent ? Leur permettra-t-on de voir le corps mort de celle qui leur a donné la vie ? D’aller aux funérailles ? De parler de leur maman une fois partie ? S’autoriseront-ils à pleurer au risque de faire de la peine à ceux qui restent et qui souffrent déjà ?

Ces dernières années, les recherches des psychologues ont mis en évidence l’importance d’impliquer l’enfant dans un deuil familial. Malheureusement, le non-dit, le non-vu, le non-partagé cause beaucoup de drames. On ne peut rien cacher à un enfant car il sent. Il sait qu’il se passe quelque chose et son anxiété risque d’être beaucoup plus grande s’il est confronté au silence. Un enfant est beaucoup plus fort qu’on l’imagine, il a en lui des ressources incroyables pour faire face à la réalité. Même au moment de la mort, la présence d’un enfant peut être positive, tout dépend de la qualité du support que l’entourage peut lui offrir. La plupart des enfants sont très intéressés par ces mystères de la vie et de la mort, ce sont les adultes qui projettent leurs craintes sur eux. (inspiré de « Vivre son deuil et croître » de Rosette Poletti et Barbara Dobbs).

Le deuil d’un enfant doit être accompagné. Il n’est pas question de forcer, ni la parole ni les larmes. Son temps lui appartient, il fait son chemin intérieur. Mais laissons lui l’espace de réaction. Elle sera propre à lui, silencieuse, violente, culpabilisante même, mais s’il n’a pas cet espace alors il gardera en lui et « tout ce qui ne s’exprime pas s’imprime », alors soyons sûr que cela sortira un jour, mais pas forcément de la bonne façon. La question est : qui voulons-nous protéger, lui ou nous ?

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