La biographie numérique pour matérialiser le lien et conserver les souvenirs
28/10/1953 (Sauveterre de guyenne) - 17/04/2022 (Villard de Lans)
Mon Enfance
Au plus profond de ma mémoire, les souvenirs tirés des jours de mon enfance sont enracinés dans la riche terre des vignobles bordelais. Mon père, comme son père avant lui, travaillait en tant que maître de chai.Ma famille était implantée à Bourg-sur-Gironde, au cœur de ce terroir dévolu à l’appellation Côtes-de-Bourg. Notre cadre de vie était somme toute assez idyllique en ce lieu pittoresque donnant sur l’estuaire, tout près du point de confluence entre la Garonne et la Dordogne. Cependant le métier de mon père ne garantissait à la famille que des revenus modestes, et comme mes parents avaient de nombreux enfants — j’étais l’avant-dernier d’une fratrie de cinq — nous étions loin de vivre dans l’opulence. Tous les enfants du village se retrouvaient à l’école primaire : c’était un peu la « guerre des boutons » entre les bandes de copains, formées en fonction de la situation haute ou basse de leur maison. Mais il s’agissait surtout d’une gentille rivalité constituant un prétexte à discussion. Certains parmi nous profitaient de la proximité de l’estuaire pour faire de la voile, d’autres consacraient leurs loisirs au football. J’ai eu la chance d’être initié à ces deux activités sportives, mais c’est surtout ballon au pied que je me débrouillais bien : mon implication me valut de recevoir le titre de meilleur défenseur cadet du sudouest ! Parmi mes autres centres d’intérêt, je me rendis compte dès mes jeunes années que j’étais sensible à la nature qui nous environnait, et à la vie animale sous toutes ses formes. Un attrait qui ne devait jamais se démentir. Alors que j’avais environ douze ans, notre famille a quitté le village. Avec une charrette à bras pour effectuer tout le déménagement, nous sommes partis nous installer sur une petite propriété située juste audessus de Bourg. C’est ainsi que mes parents sont devenus métayers, alors que mon père continuait en parallèle d’exercer son premier métier. Ce changement de situation nous permit de bénéficier d’un bout de jardin pour améliorer l’ordinaire, ce qui était loin d’être négligeable : nous pouvions désormais élever des lapins, des poules, des pigeons, des oies et des canards. Autre évolution majeure dans notre quotidien : avec mes frères et sœurs, nous avons eu la possibilité de gagner notre argent de poche dans les vignes. Par exemple en « tirant les cavaillons », c’est-à-dire en piochant les bandes de terre inaccessibles à la charrue pour en achever le nettoyage. Un travail éreintant... Ou alors, à l’automne, en préparant des fagots de sarments. Ces « javelles », brûlées à même le sol entre quatre pierres, permettaient de faire cuire à la perfection les entrecôtes bordelaises. Enfin, à l’époque des vendanges, toute notre famille se mettait au travail avec les propriétaires. Ce faisant, je me coupais souvent un doigt, et il m’arrivait de tomber évanoui. Après notre déménagement, j’ai continué mon école primaire à Bourg. Je me rendais sur place à vélo ou, plus tard, avec une vieille mobylette de mon père. Puis je suis entré au lycée de Blaye, une commune également située sur l’estuaire, un peu plus bas en direction de l’océan. Mais alors que j’achevais ma Seconde comptabilité, je me sentais songeur, ennuyé par les répétitions de cet enseignement professoral, et lassé d’évoluer dans un environnement que je n’avais jamais quitté depuis mon enfance. Je trouvais que les vignes étaient agréables en été mais sinistres en hiver, et je désirais surtout sortir de cette grande monotonie qui commençait à me peser.
« Engagez-vous, vous verrez du pays ! »
Tel était le slogan des représentants de l’armée, qui passaient de lycée en lycée dans le but avoué d’éveiller des vocations. Cet appel trouva en moi une résonnance particulière. Je vivais alors les prémices de mon grand désir de parcourir de monde. Alors que j’étais âgé de tout juste dixsept ans, je pris la décision de m’engager dans l’armée de l’air. Il s’agissait pour moi d’une sacrée opportunité : à l’aube de ma vie d’adulte, je m’offrais une ouverture vers des horizons nouveaux. Et comme j’avais toujours eu un certain penchant pour les activités physiques, je me pris à rêver que je pourrais faire du sport toute la journée. La réalité me rattrapa bien vite... Chose invraisemblable, je fus envoyé le soir-même à Nîmes, où je devais suivre ma formation militaire initiale. Les autoroutes étaient alors complètement bloquées en raison d’un autre fait extraordinaire : la neige tombait à gros flocons sur la région ! Mon séjour dans le midi dura six mois, aux termes desquels je fus classé troisième de ma promo. Cependant, et malgré les efforts que j’avais pu déployer, on me jugea de constitution trop chétive pour devenir moniteur d’éducation physique. Je fis le choix de partir à l’école militaire d’Evreux, où l’on me dispensa une formation professionnelle en gestion et comptabilité. L’occasion pour moi de découvrir Paris, où je fis un rapide passage qui me permit de prendre le métro pour la première fois... A l’issue d’une nouvelle période de six mois, je reçus ma première affectation pour Grenoble. J’avais demandé à intégrer une unité basée en région montagneuse, étant attiré par ces grands espaces naturels dont je ne connaissais rien. C’est ainsi que je fis mon entrée dans la capitale des Alpes. J’allais exercer à l’École des pupilles de l’air en tant que comptable. Mon emploi du temps était adapté aux contraintes spécifiques qui nous concernaient, en l’occurrence effectuer un certain nombre de séances de sport chaque semaine. C’est ainsi que j’eus la possibilité de pratiquer l’escrime, et en saison hivernale le ski. Je me trouvais dans une position confortable, bien noté et heureux de mon sort. Cependant, je savais que je ne pourrais toujours trouver des conditions aussi favorables, et que la spécialité comptable aurait tôt fait de m’ennuyer. En 1974, alors que j’occupais mon poste depuis quatre ou cinq ans, je fis le choix de quitter l’Armée.
« Premiers voyages »
Mais en tant que militaire, j’avais passé tous les permis de conduire, et je me sentais apte à intégrer la vie civile. De fait, je n’eus aucun mal à trouver du travail comme chauffeur de car. Tout d’abord à Nancy, par l’intermédiaire d’un copain qui enseignait à la base aérienne en tant que maître d’armes. Puis dans le Vercors, lorsque j’en eus assez de tourner autour de la place Stanislas. Je me sentais toujours aussi avide de découvrir le monde, aussi mon projet fut-il de travailler en saison touristique, et de voyager pour mon compte le reste du temps. Pour le premier voyage que j’ai pu faire en dehors de mes déplacements professionnels, j’ai choisi de partir en Irlande. Dans mon activité de chauffeur de car, j’avais déjà eu l’occasion de me rendre à Londres et à Liverpool. Et je me sentais très désireux de découvrir l’île d’émeraude pour toutes les images que ce lieu évoquait : ses hameaux, ses prairies, ses élevages de moutons. Sur le bateau qui m’emmenait à proximité de Gorey, au sud de Dublin, je me souviens m’être soudain retrouvé en larmes. Je me sentais libre et indépendant, tellement heureux d’avoir pu me payer ce voyage. C’était ma décision, et je me promettais de belles découvertes. Le soir, John m’emmenait souvent au pub avec lui. Les tournées de pintes s’enchaînaient, et les joyeux convives finissaient en dansant le quadrille. Pour moi le dépaysement était total ! Je profitais à fond de cette ambiance extraordinaire dans laquelle je me régalais de baigner. Et à la fin de mon séjour, je pus me dire avec satisfaction que j’avais atteint mon premier objectif, qui était d’améliorer mon anglais. L’année suivante, je pris l’avion pour partir en Inde. J’avais la volonté de voir un pays pauvre, ce qui d’ailleurs me permit de me sentir riche pour la première fois de ma vie. Après Jaipur, je pris la route de Delhi, d’où je devais repartir. Partout où je pouvais aller, je nouais avec les hindous d’excellentes relations. Mais alors que j’entamais la dernière étape de mon voyage, j’avais déjà perdu six ou sept kilos car je ne supportais pas la nourriture épicée. A l’heure de rentrer en France, je compris que j’étais ressorti grandi de cette expérience difficile et pour le moins décapante. Après chacun de mes déplacements professionnels, après chacune de mes excursions dans un pays étranger, j’avais vraiment le sentiment de rentrer chez moi à Villardde-Lans. Pourtant, depuis mon retour d’Inde, j’éprouvais un grand désir de partir loin — et longtemps. Ainsi est né mon projet d’accomplir un « grand voyage ». Au cours du printemps 1982, nous avons tous deux dit au revoir au sol français. Après un détour par l’Egypte, où nous voulions visiter les pyramides et la Vallée des rois, ce fut le grand départ pour le Canada.
« L'aventure de ma Vie »
L'aventure de ma vie je l'ai écrite dans un livre et c'est pour çà que vous la trouverez pas ici. Vous pouvez vous procurer mon livre sur le site internet : www.bernard-carlais.fr ou auprès de mon mari Michel BOUVIER (Villard de Lans) , ou de mon neveu Fabrice Boutin (Coutras) ou de mon éditeur Imprimerie Numéricopie à Villard de Lans. Le titre de mon livre est :
UN MAMAÏ EN AMÉRIQUE
« Engagez-vous, vous verrez du pays ! »
C’est ainsi que je fis mes premiers pas à Anchorage, découvrant la plus grande ville d’Alaska située sur la
côte sud de cet État. Mon petit sac à dos ne contenait pas grand-chose, hormis mon passeport français, mes quelques dollars économisés et sans doute des mouchoirs pour essuyer mes larmes. J’étais ému au possible. A mes pieds, je sentais mes baskets légères se raidir sous l’effet des températures fortement négatives. Et je me félicitais d’avoir serré dans mes bagages la volumineuse combinaison de survie que j’avais déjà eu l’occasion de porter, souvenir de mes précédentes aventures. Au travers de son livre, son désir était grand de leur léguer un peu de son histoire, de son amour de la nature, de ses convictions et de ses espérances pour les générations à venir. Un dessein aujourd’hui réalisé.
Bernard Carlais, dit « Mamaï »
Son surnom, il le doit à son Bordelais natal où
des « Maille ! » lancés à pleine voix s’emploient de loin en loin pour ponctuer les discours — et viennent en conséquence enjoliver le sien. Une région haute en couleur qu’il décide pourtant de quitter dès sa jeunesse. Quand ses rêves de voyage et d’exploration deviennent réalité, il s'implique dans la protection de la nature et part à sa découverte au plus proche de son état originel. Il vivra son aventure avec la complicité de plusieurs sympathisants envers sa cause et ses ambitions…
« Retour à Villard de Lans Janvier 1984 »
Après l’histoire de son « grand voyage », il avait prévu de nous raconter encore ses retrouvailles avec sa famille, son intuition de devoir retourner sur le plateau du Vercors puis son installation définitive à Villard-de-Lans, devenue au fil des années sa ville de cœur... Outre les solides amitiés nouées dans ce cadre magnifique, son chemin lui permit d’y croiser celui qui deviendrait un jour son mari : Michel, villardien depuis toujours mais lui aussi globe-trotter à ses heures... Leur rencontre sonna comme une évidence, un véritable coup de foudre qui les conduisit dès le lendemain à s’avouer leurs sentiments. Après cela, ils passèrent tous les obstacles qui auraient pu compromettre leur relation, et ne se quittèrent plus jamais.
A son retour en France, les choses n’avaient pourtant pas été tout à fait simples. Pour l’anecdote, c’est au plus fort d’une exceptionnelle vague de froid que son avion avait atterri à Paris, où les températures avaient frôlé les moins quinze degrés. Rien de bien impressionnant en soi, compte tenu du climat auquel il s’était habitué... sauf qu’il n’avait pas eu la présence d’esprit de conserver ses vêtements adaptés à la vie dans le Grand Nord ! Le 16 janvier 1985, date de son arrivée à Paris, se classe d’ailleurs comme le jour le plus froid jamais enregistré en France métropolitaine, à égalité avec le 2 février 1956. Notre beau pays, entièrement pris sous un blanc manteau de neige, se trouvait bien sûr complètement désorganisé. Incontestablement, Bernard avait bien choisi son jour pour rentrer...
Enfin il retrouva sa région d’origine et sa famille, événement tant attendu et en même temps redouté, pour des raisons bien compréhensibles dans le contexte que nous connaissons. Cette période est relatée dans son journal précieusement conservé, qu’il remplit encore de loin en loin durant les semaines qui suivirent. Il s’y disait heureux d’avoir retrouvé ses parents mais les trouvait vieillis, durement touchés par le travail et les difficultés de tous ordres qu’ils avaient eus à traverser. Bernard était particulièrement désolé de constater cela, il aurait voulu pouvoir les aider. Mais luimême se sentait triste et perdu, ne sachant que faire de son avenir dans cet environnement contrastant si fort avec les réalités qu’il avait connues durant les années qui avaient précédé.
Un mois tout juste après ce difficile retour dans le Bordelais, Bernard avait décidé de remettre le cap sur Villard-de-Lans. Il avait écrit à son ancien patron pour savoir s’il accepterait de le reprendre dans son entreprise de transport en autocar, et ce dernier ayant répondu par l’affirmative, cette opportunité mit un terme à ses dernières hésitations. Après avoir longtemps vécu « en dehors de sa zone de confort », la perspective de retrouver le Vercors lui était sans doute rassurante tout autant que réjouissante. Car de son premier séjour, il avait gardé le souvenir de personnes formidables avec lesquelles il espérait pouvoir renouer. A cette époque, il avait notamment tissé des liens avec une famille dont la maman était bien connue du fait qu’elle était employée à l’incontournable Pub La Grange. Pour avoir été hébergé chez elle durant plusieurs mois, il était également devenu très proche de ses enfants, Corinne et Philippe — une amitié qui ne s’est jamais démentie.
La suite confirma que Bernard ne s’était pas trompé en suivant son intuition. Il eut bientôt la joie de retrouver
ces amis qu’il n’avait pas revus depuis le printemps 1982 — une longue période si l’on considère la densité des évènements qu’il avait vécus dans l’intervalle, mais suffisamment courte tout de même du fait que tous étaient restés bien présents à son esprit. L’impression finalement de poursuivre une conversation débutée la veille ou l’avant-veille... Et comme le pub était décidemment un lieu privilégié pour allonger la liste de ses connaissances, Bernard y rencontra de nouveaux copains avec lesquels il se régalait de rire au quotidien : outre Corinne et Philippe, il y avait Gégène, JP « Œil de feu », Gégé G. ... Toute cette joyeuse bande provenait du cercle très sélect des amateurs de bière et de backgammon.
Lorsqu’il était revenu s’installer sur place, Bernard avait cherché activement un appartement à louer... pour un budget aussi réduit que possible. Finalement il avait pris le parti de se mettre en colocation avec Gégène, sur proposition de ce dernier. A l’époque, la vie en colocation était beaucoup moins fréquente qu’elle ne l’est devenue — sous l’impulsion d’ailleurs d’une mode venue des Etats-Unis. Bernard eut quelques hésitations avant de franchir le pas car il trouvait un peu étrange la situation d’hommes célibataires partageant un même espace de vie. Cependant, la « fin économique » justifiait le moyen envisagé, lequel offrait en outre davantage de confort et de convivialité. Les deux amis trouvèrent à se loger au-dessus du Bar des Sports, sur la place du village.
Pour tous ceux qui le côtoyaient, Bernard devint alors « Mamaï ». Ce drôle de surnom lui fut octroyé par le même Gégène, qui s’était rendu compte de sa manie toute girondine de s’exclamer « Maille ! » aux détours de ses discours. Et comme tous deux portaient en fait le même prénom, il paraissait opportun de les différencier ainsi, sans que l’un n’use davantage que l’autre du privilège de se faire appeler sous sa véritable identité ! Par la suite vinrent s’ajouter d’autres déclinaisons de son nom, au gré de l’inspiration de ses proches : Bernardo, Carlito, Sol Carlus... Toutes disent la légèreté avec laquelle Bernard envisageait l’existence, et sa volonté de ne pas trop se prendre au sérieux. Telle était sans doute la grande leçon retenue de son voyage en Amérique.
En saison, Bernard travaillait toujours comme chauffeur d’autocar, mais avec Gégène il se mit aussi à faire de l’intérim sur des chantiers. Son expérience dans le domaine n’a jamais été validée au terme d’un quelconque cursus, mais en tant que charpentier il n’eut aucun mal à faire ses preuves ! A partir de 1986, ses activités eurent encore l’occasion de se diversifier avec les débuts de l’aventure entrepreneuriale de Gégène : ce dernier voulut se lancer dans l’invention de skis à propulsion, et pour cela aménagea un local situé à cinquante mètres de leur logement, au deuxième étage de l’ancienne mairie.
Les nuits de travail étaient longues mais folles, avec tous les copains du village. L’année suivante, il créa son entreprise de fabrication de surfs des neiges en lien avec Régis Rolland, bien connu du monde des snowboarders. Le début d’un immense succès.
C’est dans cette période de belle émulation que Bernard conçut de mettre au point sa propre invention, dont l’idée était sans doute née des multiples trajets qu’il avait eu l’occasion d’effectuer au volant de son autocar. S’agissant de voyages touristiques, des guides prenaient parfois le micro pour expliquer tel ou tel point concernant l’itinéraire emprunté. Mais à cette époque, aucune technologie ne leur permettait d’illustrer ces propos par des images visibles de leur auditoire. Pour pallier ce manque, Bernard imagina un appareil s’apparentant à un rétroprojecteur, à la spécificité près qu’il pourrait être connecté avec l’installation vidéo préexistante. Ainsi, les passagers auraient la possibilité de visualiser les documents diffusés par les guides, directement sur les moniteurs déjà en place dans le car.
« Une nouvelle vie Bernard rencontre Michel »
Lorsque Michel le rencontra pour la première fois le 22 mai 1989, cela faisait près de deux ans que Bernard travaillait sur son invention, la peaufinait tout en menant ses enquêtes de marché à travers de multiples rencontres dans le milieu du transport touristique et des guides de voyage. Il vivait alors chez une dame âgée qui, en échange de ses services, lui réservait une partie de sa maison ainsi que son grand garage. Il avait investi ce lieu pour le transformer en atelier, et s’était entouré d’une petite équipe pour accompagner le développement de son produit. Michel ne tarda pas à venir augmenter le rang de ceux qui croyaient en lui, et s’investissaient en vue de la concrétisation de tous ces efforts. Il était alors titulaire d’un poste de moniteur de ski mais se trouvait temporairement empêché de pratiquer son métier, le temps de consolider une récente fracture... Cette situation contraignante se révéla finalement comme une opportunité : il put ainsi lui prêter main forte dans la gestion de son projet.
A partir de là, les évènements s’enchaînèrent sous les meilleurs auspices : le « Vidéo Carlais » ayant été remarqué lors d’un salon à Grenoble, Bernard se vit octroyer un prêt d’honneur par une banque. Puis il décrocha une formation délivrée par l’École supérieure de commerce de Lyon, accessible aux meilleurs projets industriels innovants à l’issue d’un processus de sélection. Il partit donc avec Michel et tous deux restèrent durant près de six mois sur le campus d’Écully, où ils suivirent des cours en gestion, marketing et communication, techniques financières... entre autres. Le niveau général était très relevé, une période studieuse dont ils gardèrent un souvenir ému ! Mais qui leur permit de préparer les débuts de la société Carlais SA, créée au mois d’octobre 1989.
Une autre grande étape fut franchie par la suite avec la participation de nos apprentis entrepreneurs au salon parisien « MITCAR ». Sur leur stand, un voyage était simulé devant les visiteurs grâce à la diffusion d’une vidéo enregistrée sur les itinéraires touristiques de la région. Et un commentaire était assuré par deux guides faisant usage du fameux appareil, qui cette fois avait dépassé le stade expérimental pour être bel et bien proposé à la vente. L’une de ces démonstratrices se nommait Madame Romanov, une personne truculente et passionnée dont l’accent russe mais aussi les lunettes rouges ne laissaient personne indifférent ! Ce salon fut un succès puisqu’à son issue quelques beaux marchés avaient été passés, ce qui permit de démarrer la production.
Une triste nouvelle était toutefois venue ternir l’enthousiasme de l’équipe, durant cette même semaine où le salon battait son plein : après une longue lutte contre la maladie, le père de Bernard venait de mourir. Il partit aussitôt pour retrouver sa famille à Bourg, laissant Michel terminer le salon. Ce dernier avait à peine eu le temps de connaître son « beau-père », au cours d’un unique séjour dans la région : quelque temps après le début de leur relation, Bernard l’avait en effet emmené sur ses terres d’origine pour que ses parents et lui puissent faire connaissance. Par la suite, les contraintes professionnelles de Michel lui permettant difficilement de se libérer, Bernard s’était résolu à leur rendre visite seul — ou une fois avec Gégène et leur grande copine Lisou. Connaissant l’échéance proche, il avait fait de son mieux pour se rendre présent auprès de sa famille.
La mère de Bernard resta dans un premier temps à Bourg puis elle partit vivre à Arcachon, non loin de sa bellesœur Christiane avec qui elle s’entendait très bien. Mais à la suite d’un souci de santé, Bernard et Michel l’incitèrent à venir s’installer près d’eux, et l’aidèrent à concrétiser ce projet. Carlette connaissait déjà Villard pour leur avoir souvent rendu visite et elle s’y était toujours sentie très bien accueillie. L’air de la montagne fit le reste, elle y coule encore aujourd’hui des jours tranquilles.
L’année 1992 fut marquée par les Jeux Olympiques d’Albertville, en vue desquels plusieurs contrats « Vidéo Carlais » avaient été conclus. Mais une fois cette échéance passée, les affaires restèrent à un niveau décevant. Au final, la société ne survécut pas aux nouvelles évolutions technologiques : avec l’avènement des DVD, le produit se trouva vite dépassé, et il fallut renoncer à trouver de nouveaux marchés.
« Le cœur de notre vie La Roseraie »
En parallèle, le moment vint pour Michel de prendre la suite à La Roseraie, l’hôtel de ses parents. Et cette fois c’est Bernard qui le rejoignit pour ce nouveau départ professionnel : amélioration et agencement des locaux, rénovation du bâtiment — lequel nécessitait d’être revu de fond en comble... Il était officiellement employé en tant que factotum, terme quelque peu savant pour désigner un homme à tout faire, ce qui ne manquait pas de le faire beaucoup rire.
Durant près d’une décennie, tout le travail accompli par Bernard resta caché car il fallait commencer par revoir entièrement l’électricité, la plomberie, ou encore la toiture et l’isolation des locaux. Après cela Michel et lui eurent
enfin la satisfaction d’entreprendre une amélioration visible des différents espaces : chambres, salle à manger, salle de petitdéjeuner, réception. Enfin furent aménagés une salle de réunion et un espace bien-être qui faisait sa fierté, augmenté en dernier lieu d’une énorme piscine. En 2010, la Roseraie fut le premier hôtel à obtenir sa troisième étoile selon la nouvelle norme de l’Isère, ce qui permit de faire parler de lui dans la presse. Une réussite permise également par une équipe forte et soudée, notamment Céline et Johan, le chef cuisinier, devenus de très proches amis. Par la suite, le restaurant fut distingué par le guide Michelin ainsi que Gault & Millau. Une véritable consécration !
Au départ, les relations avaient été quelque peu houleuses entre Bernard et la famille de Michel. Il faut dire que c’est après leur rencontre que ce dernier avait fait son coming out. Avant cela il n’avait jamais douté de son homosexualité mais n’avait pas davantage éprouvé le besoin d’en parler, sa situation ne lui posant aucun problème véritable. De manière consciente ou inconsciente, ses parents devaient donc en vouloir à Bernard d’avoir été « à l’origine » de cette situation entièrement nouvelle pour eux, bousculant par sa présence la paisible harmonie qui caractérisait leurs relations familiales. Par ailleurs, son père André continuait à travailler quotidiennement à l’hôtel, ce qui immanquablement provoquait des tensions car il se sentait souvent remis en cause du fait de la lourdeur des travaux de rénovation entrepris.
Petit à petit pourtant, les difficultés s’aplanirent. Michel savait pouvoir compter sur la bienveillance de sa mère, dont l’influence « en coulisse » aida certainement à apaiser les tensions qui pouvaient survenir. Il reconnaît également que dans l’esprit de son père, un déclic finit par se produire au bout de vingt ans — tout vient à point à qui sait attendre ! Pour marquer l’anniversaire de leur rencontre, Bernard et lui avaient décidé de rassembler tous leurs proches, afin qu’ils puissent fêter ensemble leurs belles années de relation : animée voire parfois orageuse, comme peut l’être toute vie de couple, mais aussi solide et toujours renforcée par les épreuves traversées. Contre toute attente, André réalisa alors à quel point son fils et son compagnon étaient entourés et aimés. Au quotidien, il parvint à s’adoucir et à ménager davantage la grande sensibilité de Bernard.
Au printemps 2013 fut promulguée la loi instaurant le mariage dit « pour tous ». Dès le 12 octobre de la même année, Michel et Bernard se rendaient ensemble à la mairie pour se dire solennellement « oui ». Ce fut pour eux
une grande joie d’officialiser leur lien devant leurs nombreux amis et la quasi-totalité des membres de leur famille, un seul « grincheux » ayant refusé d’assister à la cérémonie. A Villard-de-Lans, ils ont été le premier couple de personnes de même sexe à sauter le pas. Bernard était particulièrement heureux de cela, et comme il avait gardé de ses années de jeunesse une pointe d’esprit militant, il n’omettait jamais de le préciser. Avec son sourire tranquille, et son éternelle malice dans le regard.
« 33 Ans de vie commune »
Tout au long de leurs années communes, Bernard et Michel ont vécu au rythme de leurs échappées en France comme à l’étranger, dès que leurs contraintes professionnelles leur en laissaient la possibilité. Cette « envie d’ailleurs » les avait caractérisés dans leur jeunesse, puis structurés au cours de différentes expériences initiatiques au sujet desquelles ils s’étaient retrouvés dès les premiers temps de leur rencontre. Car de son côté, Michel avait vécu une expérience forte de neuf mois en Inde, au Népal, au Bangladesh et en Thaïlande — quasiment à l’époque où de son côté, Bernard revenait sur le territoire français. Il était également très attaché au Brésil, pays qu’il connaissait bien pour s’y être rendu trois ou quatre fois, et où ils firent leur premier voyage ensemble.
Par la suite, ce furent un mois à Tahiti avec un copain skipper, la visite des parcs nationaux à San Francisco, un retour à New York en A380, le tout émaillé d’excursions en différents lieux d’Europe : Allemagne, Sicile, Belgique, Royaume Uni, Espagne... Quant à la France, nombreuses ont été les villes et régions parcourues par nos amoureux du voyage : en Gascogne, particulièrement le bassin d’Arcachon, dans le Massif Central ou les Pyrénées, en Bretagne ou du côté de l’Alsace pour naviguer en péniche avec des amis. Même chose, sur les canaux du Midi et ceux de Bourgogne, entre Dijon et Nevers. Pour Michel, les souvenirs se bousculent !
Reste aussi le regret de voir de beaux projets de voyage suspendus, vers des paysages qu’ils avaient rêvé de découvrir ensemble : l’Islande et l’Ecosse, l’Argentine et le Chili, la Nouvelle-Zélande, le Japon. La vie est ainsi faite : la suite de l’histoire devra malheureusement s’écrire sans Bernard, tout au moins sans sa présence physique.
Il demeurera dans le cœur de son mari, et de tous ceux qui ont eu le bonheur de le connaître et de l’aimer. Au travers de son livre, son désir était grand de leur léguer un peu de son histoire, de son amour de la nature, de ses convictions et de ses espérances pour les générations à venir. Un dessein aujourd’hui réalisé.
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