Léonie est la fille aînée de Marie-Henriette LEBLOND et de Jean BAUDRY qui auront 5 autres enfants dont Ambroise le cadet de la famille qui naitra avec une malformation de la jambe gauche. Opéré à de nombreuses reprises il finira par être amputé et son enfance sera ponctuée de maladies graves, cet enfant chétif aura toute l’affection de sa sœur aînée.
La famille grandit en Normandie, à la campagne, où Marie-Henriette, la mère de Léonie, élève ses enfants et brode pour arrondir les fins de mois. Car Jean, le père, est un agent communal de renom, qui ne compte pas ses heures, dépanne les gens de la commune dès qu’il en a l’occasion, mais les revenus sont maigres.
Léonie a 4 ans le 1er août 1914, quand les Normands découvrent l’ordre de mobilisation générale. Tous les hommes soumis aux obligations militaires doivent rejoindre leur caserne. La guerre est sur le point d’éclater. Jean, son père, s’attriste à l’idée de quitter femme et enfants ; il se demande s’il est taillé pour être un guerrier. Il assume néanmoins son devoir militaire.
Malgré les difficultés Léonie est une petite fille tournée vers la vie. Elle en déborde. Quand elle danse au son du transistor elle porte son petit Ambroise pour que lui aussi connaisse ce tourbillon fantastique que procure l’ivresse de la danse. Cette dernière deviendra vite sa passion. Elle aura plus tard l’occasion d’entrer à l’école de danse de son village gratuitement grâce à la mère de sa meilleure amie qui est professeur de danse, et qui voit en Léonie une âme libre, un talent naturel insufflé par son désir de vivre.
Mais elle sait que la danse ne remplira pas son assiette et celle de sa famille quand elle sera grande. Alors dès 8 ans, en admiration devant les soins de l’infirmière qui s’occupe à domicile de son petit frère, mais aussi de toutes celles qui soignent les soldats blessés, elle en est sûre, elle sera infirmière.
La guerre est finie. Alors que le maire ou le gendarme se chargent d’annoncer la triste nouvelle au domicile des familles, Jean revient vivant, mais traumatisé. Plus rien ne sera comme avant.
Léonie suit sa scolarité avec sérieux et perfectionnisme, elle aide sa mère aux tâches ménagères, lit des histoires à son père qui semble aller mieux au son de la voix de sa fille.
En 1928, alors qu’elle poursuit ses études d’infirmière, Léonie rencontre Guillaume DUBOC, de 10 ans son aîné. Veuf, il a déjà 2 enfants, Marie-Désirée et Louis. Léonie les élève comme si c’était les siens. Ensemble ils auront 2 autres enfants, Alexandrine et Jean-Barthélémy. La famille coule des jours heureux, Guillaume est architecte, Léonie prend soin de sa famille autant que de ses patients à l’Hôpital d’Yvetot.
Elle n’oublie pas d’où elle vient. Ses parents, vieillissant, sont seuls à présent. Les enfants sont partis. Même Ambroise a pu trouver l’amour auprès d’Antoinette. Il se sont mariés et Ambroise peint, quand son épouse cultive leur jardin. Le couple vit sobrement mais a l’essentiel.
Encore quelques années de bonheur, et puis la seconde guerre arrive. Réactivant les peurs et les douleurs du passé, Jean, le père de Léonie n’y survivra pas. Interné en hôpital psychiatrique, Léonie veille sur lui. Mais il s’y éteind alors que les bombardements détruisent une bonne partie de la Normandie.
La guerre est meurtrière, elle mutile, le travail ne manque pas. Léonie soigne, veille, soigne et soigne encore. Guillaume quant à lui multiplie les contrats de rénovation et de reconstruction, il voyage de ville en ville constate les dégâts, dessine des plans, dirige des chantiers. L’après-guerre connaît un redressement économique, les affaires de la famille prospèrent, Léonie n’a plus besoin de travailler autant. Il est temps de se consacrer un peu plus à sa famille. Mais elle ne quittera jamais complètement son métier qu’elle aime tant. Sa vocation est née et a grandit avec elle.
La famille prend enfin des vacances. La mer n’étant pas loin, ils ont l’occasion d’y aller de temps en temps, Deauville, Etretat, Dieppe, ils connaissent déjà. Cette fois ils veulent découvrir la montagne. Ces lieux, connus seulement en rêve, vont leur réserver des trésors de faune et de flore, les paysages incroyables feront naître une nouvelle passion. La famille aimera les randonnées, l’altitude, le calme des sommets, les couleurs de la végétation, les couchers de soleil derrière les montagnes. Ils auront l’habitude d’y retourner tous les ans en famille, puis tous les deux.
Petit à petit les enfants partent du foyer. Léonie prend une retraite bien méritée. Guillaume quant à lui continue son activité, malgré une santé ne lui permettant plus autant de voyages professionnels. Peu à peu il doit se rendre à l’évidence, il faut laisser la relève prendre le flambeau. Surtout que c’est son fils, Louis, qui reprendra le cabinet d’architecture.
Léonie peut enfin profiter de la présence de son mari, qu’elle chérira aussi longtemps que son coeur battra.
Ensemble, ils reçoivent leurs petits enfants, au nombre de 11. Ensemble, ils parcourent leur histoire avec eux à travers les albums photos. Il était une fois grand-maman Léonie et Papé Guillaume. Les petits aiment ces histoires, elles leur appartiennent aussi au fond.
Les week-end à la mer, les vacances à la montagne, ne feront que sceller l’unité familiale. Avec ses petits-enfants Léonie retrouve le plaisir de la danse. L’amour d’une grand-mère n’a pas d’âge, elle peut bien danser comme à ses 10 ans. A Lillebonne, où l’on profite toujours de la maison familiale, le jardin donne ses légumes et ses fruits en saison. On récolte, on mange le fruits rouge directement sur l’arbre, chauffé par le soleil. Ce goût n’a pas de pareille.
Louis, sous les conseils avisés de son père, a entrepris quelques travaux de rénovations de la maison en pierre, lieu de naissance de Léonie et de sa fratrie. Lieu chargé d’histoire, de souvenirs, de bonheur et de tristesse, mais lieu de racines.
Léonie laissera le souvenir d’une fille chérie et aimante, une épouse dévouée et fidèle, une mère entière et disponible, une grand-mère généreuse et authentique. Elle fut une femme engagée, courageuse et forte, debout quoi qu’il advienne. Ce souvenir, les valeurs qu’elle a portées et défendues, elle les offrira en héritage, cadeau inestimable qui se transmettra de génération en génération.
Car si on n’entend plus les rires de Léonie, on sent encore vibrer l’histoire. Léonie n’est plus mais son histoire vivra autant qu’on la transmettra.
Lire moins