Des souvenirs pour du bonheur
« Le bonheur ne s’achète pas, mais on peut acheter du gâteau et c’est presque la même chose pense notre cerveau. »
Meik Wiking – Le livre du Hygge
Imaginez que vous poussez la porte d’entrée de chez vos grands-parents. Les parfums envoutants des douceurs sucrées cuisant dans le four, l’idée même de les savourer vous amène à fermer les yeux doucement et vous vous sentez heureux. A la première bouchée imaginaire, une sensation d’euphorie envahit votre corps tout entier. Oui, c’est aussi simple et bon que ça. Mais vous êtes-vous déjà demandé pourquoi vous vous sentez si heureux quand vous vivez ces moments-là ? Parce que ce doux souvenir ravive votre place dans cette histoire, retour vers la réalité de votre existence.
Madeleine de Proust
« Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu.
Ce goût c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin, à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul.
La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté ; peut-être parce que, en l’ayant souvent aperçue depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres plus récents : peut-être parce que de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé ; les formes – et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel, sous son plissage sévère et dévot – s’étaient abolies, ou ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience.
Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistante, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. »
Marcel Proust